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Professeur, coordinateur de la cellule de recherche en santé de la reproduction (CEREDI) et ancien responsable de la maternité du CHU de Donka, Mamadou Diouldé Baldé est un passionné de la lutte contre les Mutilations Génitales Féminines. Dans cet entretien, il partage avec nous sa vision des MGF en termes de causes, conséquences et éventuelles solutions en vue de son éradication.

UNFPA : quelles sont les causes de l’excision ?

Principalement, l’excision est d’ordre culturel. Elle est liée aux coutumes et aux traditions et ensuite au souci d’éviter la stigmatisation. La stigmatisation veut dire que si la personne n’est pas excisée elle peut être isolée de la société, montrée, affichée. Cette stigmatisation peut aboutir à la non éligibilité pour le mariage. Et il y a certaines filles qui sont rejetées parce qu’elles ne sont pas excisées et la famille est indexée par les voisins et autres.

UNFPA : en revenant sur l’élément de la stigmatisation, que répondez-vous à ceux qui disent qu’une fille excisée fera une meilleure épouse qu’une fille non excisée ?

De toute façon les mêmes personnes épousent des femmes arabes musulmanes qui ne sont pas excisées. Je vous l’ai dit 90% des femmes arabes musulmanes dont nous prenons la religion ne sont pas excisées. C’est l’Egypte seulement, le Soudan et un peu l’Irak qui pratiquent l’excision. En Arabie saoudite il n’ y a pas d’excision. Donc on ne peut pas dire que ça fera une meilleure épouse.  Ils pensent plutôt que si la fille est excisée, elle sera plus fidèle ce qui n’est pas sûre. En tout cas je ne le pense pas, aucune étude n’a révélé que les filles excisées sont plus fidèles que celles qui ne le sont pas.

UNFPA : pensez-vous que l’excision soit la solution pour contrôler la sexualité d’une fille ?

Pas du tout. Ça c’est une fausse idée, en réalité ils pensent effectivement que si on fait l’excision on diminue l’envie, l’appétit des filles à faire des relations sexuelles et qu’ainsi on peut contrôler sa sexualité mais c’est bien le contraire. Tous ces cas de dérapage que je sais à cause de mon métier se font avec des filles excisées. Il n’ y a pas de différence notoire en matière de comportement entre une fille excisée et non. L’excisée a moins de reflexe peut être mais elle peut aussi avoir les mêmes attitudes que les autres.

UNFPA : Parlez-nous donc des conséquences de l’excision.

Comme je l’ai dit dans ma présentation vous avez la douleurs, l’hémorragie, risque de maladie, stérilité, complication à l’accouchement, choc psychologique…

UNFPA : dans l’exercice de vos fonctions avez-vous eu des cas de décès suite à des complications causées par l’excisions ?

Naturellement. Je vous ai dit que j’ai dirigé pendant plusieurs années la maternité de Donka. C’est vrai qu’il y a eu des décès mais surtout des complications à l’accouchement, à cause des cicatrices de l’excision qui empêchaient la naissance de l’enfant. On était soit obligé d’élargir la porte de sortie ou de faire des césariennes. Et il y a des cas de complication à l’accouchement dû à l’excision où on perd la femme.

UNFPA : alors selon vous quelles sont les raisons qui expliquent le taux élevé des MGF en Guinée malgré l’interdiction et les conséquences que vous venez d’énumérer ?

Je ne peux pas vous répondre (sourire). Il faut vraiment qu’avec l’appui de l’UNFPA, de l‘UNICEF, qu’on fasse une grosse étude et nous sommes prêts à participer à cette étude pour chercher les causes profondes avec des sociologues car moi je suis gynéco obstétricien.  Mais il faut que ce soit une enquête à l’intérieur de la communauté par rapport aux mentalités. Une étude sociologique profonde. Mais c’est très sérieux hein. Tant qu’on ne fait pas cette étude, on ne résoudra pas le problème.

MERCI !