Go Back Go Back
Go Back Go Back
Go Back Go Back

Antoinette Béavogui : une femme mentor au premier plan de la lutte contre l’excision

Antoinette Béavogui : une femme mentor au premier plan de la lutte contre l’excision

Histoire

Antoinette Béavogui : une femme mentor au premier plan de la lutte contre l’excision

calendar_today 30 Janvier 2025

Antoinette Béavogui
Antoinette Béavogui : Femme mentor

En Guinée, dans la petite ville de Bofossou, au centre de Macenta, la journée commence tôt pour Antoinette Béavogui. À 32 ans, cette jeune femme déterminée porte sur ses épaules une mission essentielle : protéger les filles de sa communauté contre les mutilations génitales féminines (MGF). Sage-femme de profession, Antoinette connaît bien les graves conséquences de ces pratiques et consacre désormais sa vie à sensibiliser les familles et à accompagner les jeunes filles dans leur cheminement vers une vie sans violence ni stigmatisation.

Le début d’une vocation

« Depuis mon enfance, j’ai vu des filles autour de moi être victimes de l’excision. C'était une tradition, mais personne ne nous expliquait à quel point cela peut détruire une vie. » Ces mots traduisent la motivation profonde d’Antoinette. Originaire de la région de N'zérékoré, en Guinée, où 95 % des femmes de plus de 15 ans ont subi les MGF, Antoinette a décidé de se lever pour dire « non ». Après avoir été formée par un programme national de mentorat, elle voyage aujourd’hui de famille en famille pour accompagner les communautés dans leur transition vers l’abandon de cette pratique.

Une mission au cœur des familles

Lorsqu’elle franchit le seuil de la maison de la famille Bavogui ce matin-là, Antoinette est accueillie avec des sourires timides, mais sincères. La famille Bavogui a déjà pris la décision courageuse de renoncer à l’excision, mais Antoinette sait que le chemin est encore long, car les traditions sont tenaces. Elle s’assoit avec les parents et leurs cinq filles, âgées de 8 à 14 ans, pour aborder un sujet qui est encore tabou dans beaucoup de foyers.

« Nous vous accompagnons pour que vos filles puissent grandir en bonne santé, physiquement et mentalement », explique-t-elle calmement. Armée de son carnet et de son expérience, elle leur parle des complications liées aux MGF : infections, douleurs chroniques, problèmes lors des accouchements, et surtout, l’impact psychologique. Elle aborde également les solutions : l’éducation des filles sur leurs droits, l’importance de déjouer les pièges des « promesses » faites par d’autres membres de la famille, et la manière de se protéger.

 

Antoinette Béavogui

Donner une voix aux filles

L’une des forces d'Antoinette est son approche centrée sur les filles elles-mêmes. Au cours de la session de sensibilisation, elle encourage les filles à poser des questions et à exprimer leurs craintes. « Une fille m’a raconté que ses camarades lui avaient dit que si elle n’était pas excisée, elle ne serait jamais mariée. Je lui ai répondu que c’était faux, que son avenir dépendait avant tout de sa santé et de ses ambitions. » 

Les anecdotes de ce genre sont courantes dans le quotidien d’Antoinette. Elle leur explique les avantages concrets de ne pas subir l’excision : une meilleure santé, une vie sans douleur permanente, et un avenir où elles peuvent choisir leur propre chemin. Elle illustre également ses propos en partageant des histoires de réussites comme celle de ses propres filles, qui n’ont pas été excisées et qui poursuivent leurs études. « La première a terminé l’université. La seconde est en deuxième année. Cela prouve que nos traditions peuvent évoluer pour le bien de nos enfants. »

Les défis de la stigmatisation

Mais tout n’est pas toujours facile. « Souvent, des gens de la communauté nous accusent de détruire nos traditions. Certains disent que les filles non excisées ne sont pas pures. » Ces mots-là, Antoinette les a entendus bien des fois. Toutefois, elle refuse de se laisser abattre. « Je sais que je fais ce qui est juste. Je vois chaque jour les effets positifs dans les familles qui ont décidé de dire non à l’excision. »

Une de ses plus grandes fiertés est de voir une fille qui, grâce à ses conseils, a réussi à éviter l’excision. Elle raconte : « Cette fille avait appris que ses parents voulaient l’amener dans un camp pour être excisée pendant les vacances scolaires. Grâce à nos sensibilisations, elle a eu le courage de dire ‘non’. Elle a parlé à une amie, qui l’a soutenue, et elles sont venues nous alerter. Aujourd’hui, cette fille est encore dans ses études, et elle sait qu’elle a pris la bonne décision. »

Une lutte collective pour un avenir meilleur

Au-delà de l’éducation des filles, Antoinette travaille étroitement avec les leaders communautaires et les familles pour renforcer le dialogue et promouvoir le changement. « Le programme ne peut réussir que si toutes les parties prenantes s’impliquent », explique-t-elle. Chaque décision de protéger une fille est un pas vers un futur où les mutilations génitales féminines appartiendront au passé.

Aujourd’hui, grâce aux efforts conjoints d’Antoinette et des 2 653 autres femmes mentors en Guinée, environ 790 filles dans la région de N’zérékoré sont protégées contre les MGF. Ces chiffres montrent que le changement est possible, mais il est encore loin d’être suffisant.

La fierté d’une femme mentor

Pour Antoinette, être une femme mentor est bien plus qu’un travail. « C’est une mission de vie », dit-elle, le regard confiant. Elle aspire à un avenir où chaque fille pourra grandir sans crainte d’être mutilée, un avenir où les traditions nocives sont remplacées par l’éducation et le respect des droits humains. « Je suis fière de ce que je fais. Chaque sourire, chaque fille protégée, chaque famille qui abandonne l’excision me donne la force de continuer. »

Antoinette Béavogui est bien plus qu’une simple sage-femme : elle est une source d’espoir et une voix pour des milliers de filles en Guinée. Face aux défis culturels, elle se tient fermement debout, sensibilisant, éduquant et inspirant sa communauté à choisir un avenir sans mutilations génitales féminines. À travers ses actions, elle montre que le pouvoir du changement commence avec une personne déterminée à faire la différence. Et grâce à des femmes comme elle, un jour, l’excision en Guinée appartiendra definitivement au passé.