Dans la région de Kindia, localité située à un peu plus de 130  km de la capitale guinéenne,  les premières lueurs de l'aube dévoilent une silhouette familière sur le chemin poussiéreux menant au centre de santé de Friguiagbé. Fatoumata, sage-femme mentor depuis une dizaine  d’années, s'apprête à entamer une nouvelle journée dédiée  à la transmission du savoir et de l'espoir.

En Guinée, le nombre de femmes qui meurent en donnant la vie, bien qu'en baisse, demeure un réel problème de santé publique. Face à cette situation, renforcer la pratique du métier de sage femme, pour en faire un outil de prévention et prise en charge efficace des complications liées à la grossesse est une priorité à la fois pour les autorités mais aussi pour le personnel de santé. 

Une vocation au service de la vie

Fatoumata n'est pas une sage-femme ordinaire. Elle se définit comme étant “ une mentor, une enseignante, une confidente et  une mère spirituelle pour de nombreuses femmes et collègues”. Avec un sourire chargé de fierté, Fatoumata estime qu’être ‘mentor est plus qu’un métier pour elle”. 

Sa motivation est née d'un constat alarmant. Malgré les efforts, la Guinée affiche l'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde, avec 550 décès pour 100 000 naissances vivantes, soit 6 femmes qui meurent chaque jour en donnant la vie. “Les principales causes étant l'hémorragie du post-partum et les complications liées à la prééclampsie et l'éclampsie”, explique - t - elle. 

Pour aider à réduire le nombre de femmes qui meurent en donnant la vie, les sages - femmes mentors font de la formation in situ alliant la théorie à la pratique à travers la gestion des accouchements, des consultations prénatales et d’offres de services de planification familiale. 

“Je partage mes compétences avec celles qui n'ont pas encore atteint la performance souhaitée pour réduire la mortalité maternelle dans notre pays", confie-t-elle avec passion. 
 

Transmettre le savoir pour sauver des vies

Les sages-femmes mentors, une centaine dans tout le pays, jouent un rôle clé dans le renforcement des compétences de leurs consœurs. "Nous avons identifié des lacunes, notamment dans la gestion des complications post-partum", explique Fatoumata. Avec un groupe de sages-femmes expérimentées, elle prend part à un programme de mentorat innovant mis en place par le gouvernement, avec l'appui de l’UNFPA guinée.

"Nous nous rendons sur les sites, dans les centres de santé souvent difficiles d’accès , pour encadrer nos collègues. Nous passons la nuit avec elles, partageons nos connaissances, nos techniques, mais aussi nos expériences de vie", raconte Fatoumata. Ce compagnonnage va au-delà de la simple formation technique. Il s'agit d'un échange humain, basé sur le respect et la complicité.

L’objectif étant de rendre l’équipe de la structure de santé capable d’offrir les services de haute qualité. A Figuiagbé où nous l'avons rencontré, Fatoumata était à son premier jour de mentorat. Dans cette structure de santé, elle encadre une dizaine de sages-femmes, infirmières et personnels d’appui au travail de la maternité.

Le mentorat de Fatoumata repose sur une approche progressive. "Nous ne transmettons pas toutes les compétences en même temps. Il est important de donner un peu, de s'assurer que la mentorée maîtrise bien chaque étape avant de passer à la suivante", explique-t-elle. Les séances alternent entre simulations sur mannequins anatomiques et situations réelles, toujours sous l'œil bienveillant de la mentor.

Un Impact Réel sur le Terrain

Les résultats sont tangibles. Les taux de mortalité maternelle et néonatale sont  passés à près de 724 décès pour 100 000 naissances en 2012 (EDS) à 550 décès pour 100 000 naissances vivantes en (EDS 2018).

‘’Maintenant nos sages-femmes sont capables de détecter très tôt une complication qu’elles ne peuvent pas prendre en charge et la référer au niveau des hôpitaux. Durant toute l'année, on peut dire qu’il n’y a pas de décès  maternels’’, observe Mamadou Houdy Bah, Inspecteur régional de la Santé de Kindia.

Le travail de Fatoumata a également une dimension sociale. "En plus de transmettre des compétences, nous soutenons les femmes dans des moments critiques de leur vie. Nous sommes des piliers dans nos communautés.", ajoute-t-elle avec humilité.

Fatoumata est devenue une figure emblématique dans sa région. Les jeunes femmes la regardent avec admiration, inspirées par son dévouement et sa sagesse. "Marguerite Yawa Camara, l’une de ses mentorées, confie : "Grâce à elle, je suis plus confiante et compétente. Aujourd’hui, je peux gérer des situations complexes sans référer systématiquement les patientes."

Son travail ne s'arrête pas aux centres de santé. Elle participe à des campagnes de sensibilisation, encourage les familles à favoriser les consultations prénatales, et milite pour l'éducation des filles. "L'avenir de notre pays repose sur la santé et l'éducation. Chaque femme sauvée, chaque enfant en bonne santé est une victoire pour tous", affirme-t-elle.

Un engagement sans relâche

Malgré les défis, Fatoumata reste optimiste. "Il reste beaucoup à faire, mais je crois en notre capacité collective à réduire la mortalité maternelle et néonatale."

Son rêve? Voir chaque centre de santé doté de sages-femmes compétentes et autonomes, capables de fournir des soins de qualité aux mères et aux nouveau-nés. Et surtout, que chaque naissance soit synonyme de joie et non d'inquiétude.

Fatoumata incarne l'espoir et le changement positif en Guinée. Par son engagement en tant que sage-femme mentor, elle transforme la vie de nombreuses femmes et contribue à bâtir un avenir meilleur pour son pays. Son histoire est celle d'une héroïne silencieuse, dont les actions ont un impact profond sur la société.

Son parcours illustre l’importance des sages-femmes mentors, véritables gardiennes de la vie. Leur rôle est essentiel pour assurer la santé des mères et des enfants, et pour transmettre des compétences vitales aux générations futures.