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Le 11 octobre dernier, Mamoudou Nunez Camara a été honoré par le Gouvernement Guinéen et l’UNFPA Guinée pour avoir sauvé une jeune fille de 13 ans du mariage précoce dans sa localité. C’est une première que dans cette localité où les pratiques néfastes perdurent, une autorité locale mette fin à un mariage précoce. Aujourd’hui, il est devenu une des voix qui amplifient la promotion des droits des femmes/filles. Il envisage des projets pour sauver davantage de filles du phénomène de mariage précoce  dans sa localité même après la retraite.

Ouré Kaba est l'une des treize sous-préfectures de la préfecture de Mamou, en Guinée. Elle compte 13 districts et est située à 64 km du chef-lieu. Elle compte une population de 34 705 habitants dont 1 772 femmes en 2019. La sous-préfecture dispose d’un climat à cheval entre la Moyenne Guinée et la haute Guinée avec qui elle fait frontière. Les principales activités de la sous-préfecture sont d'ordre agro-pastoral. Au-delà de la sous-préfecture, les pratiques néfastes comme le mariage d’enfant sont répandues dans l’ensemble de la région. Les pesanteurs socio-culturelles freinent encore les efforts du gouvernent et de ses partenaires dans le processus d’éliminations des pratiques néfastes. Des filles sont données en mariage de force avant l’âge requis de 18 ans. Mais un matin du mois de juin, le Directeur de l’école primaire du centre a conduit au près du sous-préfet, une jeune fille demandant de l’aide pour ne pas subir ce sort dont plusieurs de ses camarades ont été victime en vue de poursuivre ses études.

« La fille m’a expliqué que c’est un de ses oncles qui est venu de la sous-préfecture voisine Kégnéko pour demander sa main en vue de la marier à un de ses fils. Elle a donc quitté la maison très tôt le lendemain matin pour se rendre à l’école dans un état très triste » témoigne Mamoudou Nunez Camara pour expliquer dans quel état il a rencontré la jeune fille. « Cette fille parcours quatre kilomètres tous les jours pour venir à l’école et elle est toujours la première à arriver en classe. Et elle m’a dit qu’elle voulait vraiment poursuivre ses études » poursuit- il dans l’entretien qu’il a accordé à l’équipe de l’UNFPA de la région de Mamou.  Après avoir écouté la fille et ce qu’elle désirait pour elle-même, le sous-préfet engage les autorités compétentes dans une négociation en vue d’annuler ce mariage qui constitue une violation des droits de l’enfant. « Nous avons besoin des administrateurs et élus locaux comme ce sous-préfet qui s’est levé et a pris ses responsabilités en faveur de la protection des enfants dans cette localité. C’est un exemple qui mérite d’être perpétué » a déclaré Mme la Ministre de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance à l’occasion de la journée Internationale de la Jeune fille le 11 octobre à Mamou.

En effet, l’action du sous-préfet a réussi grâce aussi à l’intervention du Comité Local de la Protection des Enfants et des Jeunes filles. Les parents de la fille à la demande du sous-préfet, ont été convoqué devant ce comité en vue d’écouter le plaidoyer de leur enfant. Il leur a été présenté les cas de jeunes filles mariées précocement dans la localité et qui ont été victimes de complication de grossesse précoce. Par ailleurs, la jeune fille, en présence des autorités, a expliqué à ses parents son désir de poursuivre les études en vue de devenir une femme autonome. Les parents ont à leur tour exprimé leur inquiétude quand à la survenue d’une grossesse précoce et hors mariage. Mais la fille les a rassurés qu’elle fera le sérieux en vue de ne point les décevoir.

A l’issue de ce plaidoyer de la jeune fille, le sous-préfet a présenté aux parents ce que la loi dit par rapport aux mariages précoces. En effet, le code de l’enfant stipule qu’un mariage contracté avant l’âge de 18 ans n’est pas légal devant la loi et qu’il est précoce. Par ailleurs, la Guinée s’est engagé en 1994 à l’occasion de l’adoption du Programme d’action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) à réduire les mariages précoces. Mais à ce jour, les indicateurs sont au rouge. Une fille sur trois dans les pays en développement sera mariée sans son concentement avant 18 ans. En Guinée c’est une fille sur deux soient 654 858 filles qui sont mariées chaque année avant 18 ans. « Quand les parents de la fille ont compris ce que la loi dit, ils se sont engagés à ne pas sceller ce mariage. Ils ont pris un engagement qu’ils ont signé en présence de l’autorité » explique Mamoudou Nunez Camara le regard rempli de joie. A la question de savoir, est ce que la jeune fille est totalement hors du danger du mariage précoce aujourd’hui, le sous-préfet répond oui. En effet, la jeune fille depuis le mois de juin a poursuivi les études et ses parents ont finalement donné une de ses grandes sœurs qui avait l’âge requis en mariage à sa place. La question du choix libre du joint se pose évidemment mais la fille de 13 ans est bien hors de danger.

L’histoire de cette jeune fille qui a sollicité l’aide des autorités face à cette pratique a fait le tour de Ouré Kaba. Elle est devenue un modèle pour plusieurs jeunes filles de la sa génération. Aujourd’hui, elle utilise son temps libre pour accompagner les autorités pour sensibiliser ses camarades d’école sur les méfaits du mariage précoce. « Elle est devenue un symbole de la résistance face aux normes qui se dressent devant la jeune fille » déclare le sous-préfet Mamoudou.

De cette histoire sortent une héroïne et un héros. La jeune fille, héroïne face au mariage précoce peut se frotter désormais les mains car elle a échappé à cette pratique néfaste et a reçu de l’UNFPA des kits scolaires et d’hygiène pour poursuivre les études. Ce don symbolique du Fonds des Nations Unies pour la Population est un signe pour l’encourager à se battre pour ses droits. Quant au sous-préfet, il fait régulièrement des séances de sensibilisation sur les questions de développement notamment la planification familiale, la santé de la reproduction et les droits des femmes durant les réunions de la commune de la localité. Sa démarche a réussi aussi grâce à la formation des élus locaux et administrateurs territoriaux à laquelle il a assisté récemment et qui fut organisée par UNFPA. Son but est de laisser à ses enfants le témoignage d’un père qui s’est battu pour l’accès des populations aux droits et aux choix. Désormais, Mamoudou Nunez Camara a inscrit son nom sur la longue liste des guinéens pour qui les droits des femmes et filles comptent.