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"Quand j’étais petite, on me disait que l’excision consiste à monter à l’arbre et si tu es courageuse, tu vas sauter de l’arbre et tu tomberas sur un matelas bien bombé" témoigne Kourouma Fanta, jeune femme victime d’une des pires formes des mutilations génitales féminines (MGF). Bien que douloureuse, Fanta décide de briser  le silence et de partager son histoire avec un public composé de religieux, de sages, des autorités, des jeunes, femmes et hommes qui prenaient part à un dialogue intergénérationnel organisé le 07 novembre 2023 à Mamou. 

Fille d’une grande exciseuse, Fanta Kourouma a eu une expérience douloureuse le jour où, alors qu’elle avait à peine ses 13 ans, elle été envoyé dans le camp de l’excision dans la brousse en compagnie d’autres filles de son village. "Je ne savais pas ce qu’on allait me faire, je pensais que je devais juste grimper à l’arbre" relate - t - elle le regard perdu dans le vide, au souvenir de ce jour qui l’a marqué dans son corps et dans son âme". Poursuivant, Fanta Kourouma indique que trois femmes l’ont prise et chacune "l’a coupé au niveau de son clitoris et des grandes lèvres de son organe génital". Toutes les autres filles qui ont été excisées ce jour ont été coupées une seule fois. "Moi j’ai été coupé trois fois avec ces couteaux fabriqués par les artisans, parce que je suis la fille d’une grande exciseuse et j’ai pratiquement perdu connaissance, avec beaucoup de saignement" affirme Fanta avec les yeux remplis de douleur. Selon Fanta, le pansement de la plaie a été fait dans une rivière dans la brousse et les exciseuses ont rouvert avec leurs mains, toutes celles qui avaient les lèvres de leur organe génital collé en raison de la plaie. "C'était si douloureux, on avait tellement mal mais on nous interdisait de pleurer" marmonne t - elle sur un ton à peine audible au souvenir de cette expérience douloureuse.

Aujourd’hui mariée, Fanta Kourouma vit toujours avec les séquelles de cette atrocité dont elle a été victime alors qu’elle était encore à la fleur de l’âge. Plusieurs femmes et filles à l’image de Fanta sont aussi victimes de cette pratique, qui perdure en Guinée, mais pourtant interdite par la loi. Depuis le jour de son excision, jusqu’au moment où elle s’est mariée, Fanta a gardé les sequelles des MGF. 

"Quand j’ai rencontré mon mari, nous étions amis en ce moment, c’est lui et ma tante qui m’ont aidé à me soigner parce que j’avais une infection grave et je ne pouvais en parler à personne" souligne - t - elle. 

Aujourd’hui militante au sein de l’Association Mafubo Guinée en faveur des droits des femmes et filles, cette jeune dame encourage toutes les filles et femmes victimes de cette pratique "à briser le silence et partager leur expérience afin de montrer aux parents, aux anciens et à tous les conservateurs la douleur que les mutilations génitales féminines peuvent causer". 

Parler des mutilations génitales féminines sans filtre est une condition essentielle nécessaire pour accélérer l’abandon de cette pratique dans nos communautés” indique Aïcha Touré, membre de Mafubo, à l’entame du dialogue intergénérationnel sur cette pratique qui touche 39% des filles de moins de 15 ans en Guinée. C’est pour amener des personnes de différentes générations et de différents groupes sociaux à se parler sur ce sujet, que les militantes du Club des Jeunes Leaders de Guinée et de l’Association Mafubo Guinée ont organisé ce dialogue intergénérationnel au cours duquel Fanta a accepté de partager son expérience avec le public et à visage découvert. Au-delà de ce dialogue, "nous devons renforcer les approches de collaboration en faveur de l’abandon de cette pratique" souligne Niakaté Fatoumata, Présidente de l’antenne de Mamou du Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée (CJFLG). 

Et pour finir, Hawa Diallo, du CJFLG estime que "le pari d’en finir avec cette pratique sera relevé, lorsqu’au-delà de cette journée de dialogue, le combat devient une routine, un quotidien, un engagement personnel et une vocation commune".