N’Zérékoré, Bounouma – « ma mère n’a jamais accepté l’excision, mais cela lui a été imposé pendant qu’elle était en grossesse et elle a fait une fausse couche ». Saraï Mamy, femme mentor de 40 ans explique comment sa mère, alors qu’elle était enceinte, a été amenée de force au camp d’excision et y a perdu l’enfant dans son ventre après avoir saigné. Cette expérience difficile, a amené la mère de Saraï à la protéger contre l’excision. Elle fut donc épargnée, chance que plusieurs autres filles de sa génération n’ont pas eue dans la sous-préfecture de Bounouma, préfecture de N’Zérékoré, localité située environ à 1000 kilomètres de la capitale guinéenne.
Saraï est mère de 5 filles et aucune n’est excisée. Dans une communauté où la pratique est très encrée, Saraï qui a vu « sa mère faire une fausse couche et perdre son enfant juste après avoir été excisée », a décidé de travailler pour sauver plusieurs filles de cette pratique à Bounouma. Elle est devenue une femme mentor. Aujourd’hui, elle encadre plus d’une vingtaine de jeunes filles dont les parents ont accepté de renoncer aux mutilations génitales féminines.
« Avec les autres acteurs, nous avons sensibilisé les familles de ces filles et elles ont pris un engagement écris de ne pas exciser leurs filles » explique Saraï Mamy. C’est sur la base de cet engagement que cette femme mentor fait périodiquement des visites auprès de ces familles pour s’assurer que l’accord tient toujours. Dans cette localité de Bounouma, le travail des différents acteurs a permis de procéder le 07 décembre 2020 à la déclaration publique d’abandon des mutilations génitales féminines.
Comme Saraï, les femmes mentors sont présentes dans plusieurs localités du pays. Elles font un travail remarquable pour faire reculer la pratique des MGF. Elles sont présentes dans toutes les zones d’intervention de l’UNFPA en Guinée, notamment les régions de Kindia, Labé, Kankan et N’Zérékoré. Femmes leaders, anciennes exciseuses ou sages-femmes, elles sont issues de tous les corps de métiers. Ces femmes mentors constituent un puissant levier de protection des filles contre les MGF. Au-delà de cette protection, elles sont aussi choisies pour aider à « gérer le passage des filles de l’enfance l’adolescence à et à la vie adulte ».
Autonomes grâce à un business agricole et d’élevage financé par UNFPA à travers le programme conjoint UNFPA – UNICEF sur l’élimination des MGF, ces femmes mentor travaillent pour protéger les filles non excisées de leurs localités.
A côté de ces femmes mentors, les leaders religieux (musulmans et chrétiens) et les hommes modèles jouent un rôle déterminant. « Nous mettons les sermons du vendredi, et les cérémonies sociales à profit pour informer et sensibiliser les populations sur les méfaits de l’excision » a déclaré Mamoudou Doumbouya, 1er Imam de Karfamoriyah. Au-delà des sermons, ces religieux sont aussi conviés dans des conférences débats dédiées au sujet pour donner « la position de la religion, selon les saintes écritures ». Poursuivant, Mamoudou Doumbouya indique que « l’excision n’a aucune base religieuse, c’est la jalousie qui a amené notre père Abraham à la pratiquer ». Et pour démontrer son engagement dans la promotion de l’abandon des MGF, l’Imam Doumbouya n’a excisé aucune de ses filles.
C’est aussi le cas de Sonomy Nyéréké, homme modèle à Bounouma. « Je suis un homme convaincu que l’excision n’est pas bonne » a-t –il a déclaré sur un ton ferme avant d’ajouter que « rien ne peut m’amener à faire subir cette pratique à mes filles ». Comme lui, plusieurs pères de familles dans ces localités citées plus haut constituent la source de protection de leurs filles contre cette pratique néfaste à la santé et au bien-être des filles et des femmes.
A l’équipe des femmes mentors, hommes modèles, pères et mères de familles et leaders communautaires, il faut ajouter une nouvelle génération de jeunes filles qui inspirent au-delà des frontières guinéennes. Elles sont organisées dans un groupe appelé « Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée ». Elles sont jeunes, mais elles bravent les barrières et disent non aux MGF et sont présentes dans presque toutes les préfectures du pays. « Parfois, je veux arrêter mais je ne peux car je ne veux pas que d’autres filles soient victimes de cette pratique » témoigne Fanta Camara, Présidente du Club des Jeunes Filles Leaders de Kankan.
Dans leur travail d’information et de sensibilisation pour amener les communautés à abandonner cette pratique, ces filles sont souvent exposées à des violences physiques, verbales et morales. Mais leur engagement résiste à tous ces défis. Elles sont devenues un modèle pour plusieurs jeunes filles. « Notre travail a permis aux autorités d’arrêter plusieurs cas de MGF », indique Aïssata Sow, Présidente de l’antenne du Club des Jeunes filles Leaders de Guinée à N’Zérékoré.
Le travail de la nouvelle et ancienne génération d’hommes et de femmes contre cette pratique est un modèle de succès en Guinée. Aujourd’hui, le programme conjoint (UNFPA-UNICEF) sur l’élimination des MGF, s’appuie sur les stratégies de mentorat des femmes, d’implication d’hommes, de leaders religieux et de jeunes pour une réponse efficace à cette pratique néfaste à la santé et le bien- être de la femme et de la fille. Ces stratégies sont de plus en plus implémentées par d’autres acteurs intervenant dans le même domaine.
Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) sont considérées comme une violation des droits humains des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi que de leur droit à la vie lorsque cette pratique à des conséquences mortelles. On estime que 200 millions de femmes et de filles ont subi des mutilations génitales féminines. Même si la pratique diminue dans la majorité des pays, mais avec la croissance démographique élevée, le nombre de filles qui subissent les mutilations génitales continuera d'augmenter.
En Guinée, malgré les efforts de l’Etat et de ses Partenaires le niveau de prévalence reste toujours élevé. Selon l’EDS-2018, 95% des filles/femmes de 15-49 ans ont subi une des formes de MGF contre 39% chez les filles de 0-14 ans.